
Juin 2025. Ce mois-ci, les dirigeants des pays du monde entier se réuniront à Séville, en Espagne, pour une mission de sauvetage : revoir la manière dont nous investissons dans le développement durable.
L’enjeu est immense. Dix ans après l’adoption des Objectifs de développement durable et de nombreux engagements mondiaux pris pour leur financement, les deux tiers des cibles accusent un retard préoccupant. Et chaque année, il manque plus de 4.000 milliards de dollars pour permettre aux pays en développement de tenir ces engagements d’ici à 2030.
Pendant ce temps, l’économie mondiale ralentit, les tensions commerciales augmentent, les budgets d’aide au développement sont réduits, alors que les dépenses militaires explosent, et la coopération internationale est soumise à des pressions sans précédent.
La crise mondiale du développement n’a rien d’abstrait. Elle se mesure à l’aune des familles qui se couchent le ventre vide, des enfants non vaccinés, des filles contraintes de quitter l’école et de communautés privées de services essentiels.
Nous devons changer de cap. Cela commence par la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement à Séville, où il nous faudra adopter un plan ambitieux et mondialement soutenu pour investir dans les Objectifs de développement durable.
Ce plan doit comprendre trois éléments essentiels.
Premièrement, la Conférence de Séville doit contribuer à accélérer le transfert des ressources vers les pays qui en ont le plus besoin – et vite.
Les pays doivent être aux commandes, en mobilisant des ressources nationales grâce à une meilleure collecte des recettes et à la lutte contre la fraude fiscale, le blanchiment d’argent et les flux financiers illicites, avec le soutien de la coopération internationale. Cela permettrait de dégager des ressources indispensables pour investir dans les domaines ayant le plus d’impact : l’éducation, la santé, l’emploi, la protection sociale, la sécurité alimentaire et les énergies renouvelables.
Dans le même temps, les banques nationales, régionales et multilatérales de développement doivent unir leurs forces pour financer des investissements majeurs.
Pour y parvenir, leur capacité de prêt doit être triplée, afin que les pays en développement puissent accéder plus facilement à des capitaux abordables, et sur des durées plus longues.
Cet accès accru passe par la réorientation des avoirs de réserve inconditionnels – ou droits de tirage spéciaux – vers les pays en développement, idéalement par l’intermédiaire des banques multilatérales de développement, afin d’en multiplier l’effet.
L’investissement privé est également essentiel. Il faut lever les obstacles au financement de projets de développement bancables, et promouvoir des solutions qui réduisent les risques de change et combinent plus efficacement financements publics et privés.
À chaque étape, les donateurs doivent tenir leurs promesses en matière de développement.
Deuxièmement, nous devons réparer le système de la dette mondiale. Il est injuste et à bout de souffle.
Le système d’emprunt actuel n’est pas viable, et les pays en développement ne lui font guère confiance. Et pour cause. Le service de la dette, qui dépasse 1.400 milliards de dollars par an, anéantit les progrès en matière de développement. De nombreux pays sont contraints de consacrer plus de ressources au remboursement de la dette qu’à la santé et à l’éducation réunies.
La Conférence de Séville doit déboucher sur des mesures concrètes pour réduire les coûts d’emprunt, faciliter une restructuration rapide de la dette pour les pays accablés par une dette insoutenable et à prévenir de nouvelles crises de la dette.
Avant la Conférence, plusieurs pays ont présenté des propositions pour alléger le fardeau de la dette des pays en développement. Il s’agit notamment de faciliter la suspension du service de la dette en cas d’urgence, d’établir un registre unique de la dette pour plus de transparence et d’améliorer les méthodes d’évaluation des risques utilisées par le FMI, la Banque mondiale et les agences de notation.
Enfin, la Conférence de Séville doit permettre aux pays en développement de mieux se faire entendre et d’accroître leur influence dans le système financier international afin qu’il réponde mieux à leurs besoins.
Les institutions financières internationales doivent réformer leurs structures de gouvernance pour que les pays en développement aient davantage voix au chapitre et participent pleinement à la gestion des institutions dont ils sont tributaires.
Le monde a également besoin d’un système fiscal plus équitable, façonné par tous les pays, et pas seulement par les plus riches et les plus puissants.
La création d’un « club d’emprunteurs » qui aiderait les pays à coordonner leurs approches et à partager leurs enseignements est une autre étape prometteuse vers un meilleur équilibre des pouvoirs.
La Conférence de Séville n’est pas un geste de charité. C’est un impératif de justice — et une chance de bâtir un avenir où les pays pourront se développer, construire, commercer et prospérer ensemble. Dans notre monde de plus en plus interconnecté, un avenir fait de nantis et de démunis ne ferait que nourrir l’insécurité mondiale et freiner les progrès pour tous.
En renouvelant l’engagement et l’action au niveau mondial, Séville peut susciter un nouvel élan pour restaurer une certaine confiance dans la coopération internationale et tenir la promesse d’un développement durable pour les peuples et pour la planète.
À Séville, les dirigeants doivent agir ensemble pour faire de cette mission de sauvetage un succès.